L' Alcoolique Mondain
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Sociologie du Topless

20/8/2016

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L’été 2016 commençait de la pire des manières: Brexit, investiture de Donald Trump, attentats sordides, invasion de Pokemon Go, polémique sans fin sur le burkini. Au milieu de la tragédie quotidienne, tel un pied de nez fait aux fondamentalistes, une bonne nouvelle néanmoins, ronde, légère et dorée comme son objet : le retour du Topless à l’île de Ré !
 
  • Trousse chemise (et pas que)
 
Jours après jours, elles défilent ou s’étendent sur le sable avec l’arrogance des corps jeunes et bien faits. Lorsqu’elles s’en vont faire un Mao (c’est ainsi qu’on appelle le fait de partir d’un point de la plage en se laissant porter par le courant vers un autre, en hommage au grand timonier qui semblait-il se laissait dériver de même dans le fleuve jaune), la plage entière les observe.
 
Car, à Trousse Chemise, au milieu des mamans bourgeoises, des enfants mangeant leurs chocos ensablés, des pères de famille discutant immobilier, au milieu des voiliers hurlant sur les zodiacs qui, mouillés sans logique dans le courant, leur empêchent toute approche de cette côte abritée du vent, deux poitrines ont surgi ! Au milieu de cette pièce qui, chaque été, se rejoue à l’identique, deux frêles poitrines se sont dressées comme un étendard de défi aux bonnes mœurs et aux ennemis de la liberté.
 
Elles marchent, rigolent. Le soleil veut les écraser mais leur jeunesse résiste à tout. Elles ont la confiance des filles qui ne sont pas encore femmes mais se savent déjà désirées comme telles. Le Mao fini, elles reviennent à pied. L’eau du Fier d’Ars dégouline entres leurs petites collines dont le froid a dressé les tétons.
 
Les deux jeunes filles secouent leur serviette, reprennent leurs magazines et s’allongent à nouveau. Peu à peu, le sel sèche sur leurs promontoires dorés cependant qu’une risée tourbillonnante vient apporter des odeurs de pins et de lavande.
 
La plage de Trousse Chemise est située, après les Portes, à la dernière extrémité de l’île de Ré. Aznavour la chantait déjà : « Dans le petit bois de Trousse Chemise. Quand la mer est grise et qu'on l'est un peu… ». Quant à son étrange nom, deux explications. La première est pratique : la plage serait ainsi nommée parce que, lors des grandes marées basses, en reTroussant sa Chemise, on peut atteindre Loix (le village d’en face) à pied. La seconde est historique : elle s’appellerait ainsi en souvenir du cul que les rhétais montrèrent au duc de Buckingham après son débarquement avorté à l’île de Ré pour délivrer la Rochelle (protestante) assiégée par Richelieu.
 
Cet été, deux post-adolescentes firent de même, mais pour montrer le haut. 
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  • Résurrection plus que naissance.
 
Le topless a existé dans les années 70 et 80, à l’île de Ré comme ailleurs. Ainsi qu’en témoignent les vieilles couvertures de WIND ou PlancheMag (reproduites ci-dessous), on faisait même de la planche à voile, seins nus.
 
Alors que leurs mères se baignaient avec une charlotte pour protéger leur permanente, alors que l’île de Ré n’avait ni pont, ni vedettes à moteur, ni Porsche et oliviers centenaires bordant les piscines portingalaises, alors qu’il n’y avait pas même de route goudronnée pour atteindre Trousse Chemise, à l’époque où l’on s’encanaillait, à Ars, aux Frères de la côte, où le Boucquingam (sur le port de Saint Martin) était une boîte de locaux, où l’on pouvait prendre un verre de Royal (le blanc local) sans chichi à la Baleine Bleue, et danser toute la nuit à la Pergola, les filles étaient seins nus. Toutes ! Les prolos, les BCBG, les aristos, les monitrices de voile : presque autant de tétons à l’air que de galets aux pieds de la balise verte de la Patache.
 
 
 
  • Les poitrines se sont couvertes alors même que la société se sexualisait
Et puis arrivèrent les années 90, puis 2000. La société devint hypersexualisée, la mode commença à jouer avec le sexe, la publicité avec l’érotisme, l’érotisme avec la pornographie, dont sa branche chic devenait dans le même temps un art. Les pratiques sexuelles dites « hard » se démocratisèrent, même chez les plus jeunes.
 
Paradoxalement ou, au contraire, afin précisément de faire contrepoids à cette nudité partout affichée, les seins se couvrirent sur les plages bordant l’Atlantique. Sur la Côte d’Azur, le topless résista mais, du Pays basque à la Bretagne, pas un mamelon à l’horizon.
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  • Le topless jugé « impudique » par près de la moitié des femmes
 
Le topless est jugé « impudique » par 46 % des femmes (contre 31 % des hommes), « passé de mode » par 57 % (contre 36 %) et « moins séduisant qu’un joli maillot » par 75 % des femmes (contre 52 % des hommes) révélait une enquête BVA réalisée pour Le Parisien en 2013. 
 
On pensait donc la partie pliée et avoir des vacances reposantes. Pourtant, depuis une semaine, c’est à dire à la période de l’année durant laquelle la plage de Trousse est la plus chargée, deux jeunes filles ont, comme si de rien n’était, dévoilé leurs gorges menues aux bourgeois.
  • Faussement naïves
 
Quand la plage se vide, je pars les interviewer. Elles ont toutes les deux vingt ans. Constance est étudiante en médecine. Sidonie travaille en alternance pour une compagnie d’assurance.
 
« Pourquoi enlever le haut ? Geste politique ? Egalité homme-femme ? Sexualité libérée ? Solidarité avec les Femen, contrepied du burkini ? ». La réponse est décevante : ce serait seulement pour éviter une marque de bronzage.
 
Je ne les crois pas : «mais enfin, la plage entière vous regarde, vous le savez, ce n’est pas anodin ? ». Elles répondent que, paradoxalement, seul le regard des femmes pose problème : « on voit bien qu’elles se disent : “c’est qui ces deux traînées ?” ». Ok, on en est là. Mais le regard des hommes ? Quid du regard des hommes ? « Neutre », me disent-elles.
 
Naïves ou faussement naïves ? Je pencherais pour la seconde. Elles ont forcément entendu une fois Patrick Coutin,  « j'aime regarder les filles qui marchent sur la plage, leurs poitrines gonflées par le désir de vivre… », et sont trop âgées pour ne pas savoir ou sentir qu’un homme n’est jamais « neutre » devant une poitrine. Certes, il feindra de l’être, voudra à juste titre ne pas passer pour un  voyeur lubrique, certes il ramassera le râteau de son fils, terminera le château de sable, détournera le regard, pensera à sa femme, à sa fille, à sa belle-mère, mais jamais, en aucune façon, il ne sera indifférent devant ces demi-planètes qui, le temps d’une éclipse du regard, ont placé son désir en orbite.
 
Je remarque une petite trainée de sel blanc sur le sein gauche de Constance.
 
— Je peux lécher, demandé-je ?
— Ça va pas ! s’indigne Sidonie.
— Ce n’est pas à toi que je pose la question.
 
Constance me regarde. Elle sourit. Aznavour trotte dans ma tête : « Dans le petit bois de Trousse Chemise. On fait des bêtises souviens-toi nous deux… ».
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