Rien de pire que de commencer la semaine avec le zgeg en flammes. Heureusement, je ne connais pas de médecin plus sympathique que le Dr Bougron.
— Encore vous, Dumartray ?! — J’ai plaisir à vous enrichir tout en m’abreuvant de votre science, docteur ! — Qu’est ce que vous avez encore ? — La bite en feu, as usual… — C’est à dire ? — Comme l’impression de pisser des lames de rasoir. — Encore des champis ou une MST… pfff, c’est la troisième fois cette année, vous traînez votre pénis dans les caniveaux ou quoi ? — Ce n'est guère galant de parler ainsi de mes amies. — Je ne plaisante pas. Vous êtes totalement inconscient, vis-à-vis de vous même, et vis-à-vis des autres surtout. — C’est vrai. Mais si l'on me reproche souvent d’être égoïste, s’agissant de la chtouille, c’est du donnant-donnant, ça ne tombe pas du Ciel, docteur. — Je ne vous le fais pas dire. — C’est quand-même pas de ma faute si… — Si c’est de votre faute ! Vous me fatiguez. Un jour, vous allez choper le SIDA, et vous ferez moins le malin. — Ils sont sur le point de trouver un vaccin. — Ce n'est pas fait, mon vieux. — Ne me dîtes pas ça. Les derniers jours ont été éprouvants. — Ils le seront encore plus quand vous l'aurez. — Je croyais qu'on vivait presque normalement sous tri-thérapie. — Presque normalement ? Vous risquez d'être déçu. Et puis, soit dit en passant, la trithérapie, c’est la solidarité nationale qui la paye, et nous ne sommes pas là pour financer votre débauche. — Ne vous inquiétez pas, avec ce que je paye comme impôts, ça reste moi le plus solidaire ! — Bon, puisque vous êtes né sans cerveau, tentons de sauver le reste. — Merci. — Baissez votre caleçon, je vais vous passer un coton dans l’urètre pour voir ce que vous nous avez encore rapporté de la chasse. — Doucement docteur, ça fait mal ! — Faut bien expier, mon vieux. — Hey ! arrêtez, ça fait vraiment mal ! — Une seconde. — Je crois que je vais pleurer. — Faites-donc. — Putain, j’ai mal… — Chochotte. — Aïe, aïe, aïe ! Stop ! Je vous en prie. — Taisez-vous. J'en ai pour une seconde. — Elle est déjà passée. Vous auriez dû faire charcutier ! — Molo jeune homme…. ou je vous laisse crever avec votre chaude pisse. — Non docteur, sauvez-moi ! La torture passée, nous regagnâmes son bureau et le Dr Bougron reprit : — Franchement, vous êtes beau garçon, vous semblez avoir une belle situation… — Auriez-vous l'amabilité de consigner cela par écrit et l’envoyer à ma mère ? ça lui ferait tellement plaisir. — Arrêtez avec votre ironie. Ce que je veux vous dire c’est que vous pourriez tout de même trouver une femme jolie, intelligente, sympa, et arrêter de traîner votre oiseau dans toutes les mycoses de Paris. — C’est une idée intéressante. — Au moins, mettez une capote… merde à la fin ! — Je ne sens rien avec un ciré. — Forcément : à force de limer tous les soirs, vous avez la peau du gland aussi insensible que le cœur. — C’est joli ce que vous dîtes. Méchant mais joli. — Bon allez, les résultats complets dans deux jours et, en attendant, la prescription habituelle. — Merci docteur. — C’est les labos qui doivent être contents avec un type comme vous. — Je fais de mon mieux pour relancer l’économie. — Ça fera 70 euros. — Vous prenez l’AmEx ? — Et puis quoi encore ! Vous vous croyez au Carlton ? Carte bleue, liquide, ou chèque. — 70 euros le brin de causette. Il n'y a pas que les labos... vous aussi vous devez être content ! — Vous êtes une ordure. — Seulement mon chibre, mon père, mon âme est pure comme la cramouille d'une fillette.
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Maître Velter est le genre d’avocaillon crâne d’œuf dont on regrette qu’il soit sorti du nid. L’ensemble de la vie de Velter tourne autour de la promotion de Velter. L’étude des pièces l’ennuie, le Droit ne l’intéresse pas, la Défense lui importe peu, Velter n’aime qu’une chose : qu’on le regarde.
Pour compenser ses lacunes intellectuelles, Velter était membre de toutes les associations de la faculté. Les autres étudiaient, lui tissait déjà sa toile, de petits fils collants et moites comme ses mains qui attendaient déjà proies et pantins. Même devant un aréopage réduit, le seul fait d’avoir un micro en main et quelques yeux myopes tournés vers lui le comblait de joie. Velter n’aime pas être réduit à un avocat corporate. Il s’est rendu une fois à la brigade financière et a accompagné son beau-frère ivre au commissariat de la Trinité-sur-mer, aussi se considère-t-il également comme pénaliste. Il ne rate d’ailleurs jamais une occasion de mentionner qu’il connaît la juge d’instruction unetelle, le procureur untel. Nous travaillons souvent avec lui. C’est un cousin de Grouvion — unique raison justifiant que nous avalions encore ses honoraires. Le manque total de finesse, d’éducation et de culture de Velter se révèle un peu plus à chacune de nos réunions et j’en viens désormais à penser que son incurie est aussi grande que son égo. Bien qu’étant notre conseil, je rêve en silence du jour où Velter se plantera. Non seulement j’y rêve mais j’y travaille : primo, ce ne sera pas la première fois que je joue contre mon camp, secundo, je serai prêt à perdre beaucoup beaucoup d’argent pour que le monde comprenne enfin, malgré l’article élogieux que lui a consacré Le Point, que Velter est une merde. Velter est encore là ce matin. Jean-Louis refait la même blague : « comment va mon guacamole (la crème des avocats) préféré? ». Puisque l’ambiance est mexicaine, je les étoufferai bien tous deux dans un sachet de tortillas, avec quelques piments en bouche. Velter est venu avec sa jeune collaboratrice. Seule preuve tangible d’intelligence chez cette crapule, il a su s’entourer de collaborateurs compétents qui n’apparaissent jamais dans les dossiers et laissent croire qu’il est lui-même doué. Je l’ai déjà vue plusieurs fois. Marie je crois, ou Cécile. Elle ne dit jamais un mot. Elle n’a pas le droit. Elle n’envoie pas d’emails de sa propre boîte. Tout part et revient à Velter. C’est une sorte d’esclave et Velter est son maître. Sortant tous les jours à 2 heures du matin, elle ne doit pas avoir de mec. Peut-être un chat. Oui, j'imagine une vie régulée par la Semaine Juridique, quelques dates Tinder, un numéro de livraison de sushi, et un chat. Le Maître doit parfois la sauter, en tout cas les veilles de bonus. Elle est jolie pourtant, fatiguée mais jolie. C’est toujours un peu triste une fille brillante et jolie qui rate sa vie. De l’autre côté de la table Velter sort son Mont-Blanc, son iPad, et son dossier. Il est heureux, il va encore nous piquer 40.000€ donc il est heureux. Le téléphone est là. La pieuvre plutôt. L’horrible machine à conf-call. Il y a beaucoup de fils : jack, ethernet, internet, téléphone. Ce n’est pas très gentil de penser cela au sortir du week-end pascal mais j’ai comme une furieuse envie de passer tous ces fils autour du cou de Velter et de serrer bien fort. Velter parle, ronronne. Il persifle et savoure ses propres mots. Je le connais par cœur. Je connais sa voix nasillarde, son haleine amère aux relents de Marlboro, de café et de salade césar. Je connais sa lèvre supérieure, trop fine, sa lèvre inférieure, charnue et baveuse. Je connais son front luisant, chacune de ses rides. Son nez constellé de points noirs est mon ciel de ténèbres. |
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Octobre 2016
AuthorThéophane Dumartray by Timothée Gaget Categories |