Il y a encore peu de temps, j’étais beau. J’avais les traits fins, les cheveux fournis ; au bord de la piscine, mes amis jalousaient mon corps bien fait. Je le savais et j’en profitais. Le regard ténébreux donne l’air intelligent. Les épaules larges rassurent. J’ai eu nombre de filles qu’à la faveur de mon physique. Du reste, qui se soucie de l’esprit, de la culture ou du coeur pour un soir.
Dans l'immense glace du bureau de Jean-Louis, je vois que cela finit. Je ne suis pas encore vieux et laid mais le processus est enclenché. Mon crâne se dégarnit, mon front se creuse, mes pectoraux ont fondu pour former une bouée ceignant mollement le souvenir de ce qui jadis furent mes abdominaux. Ma barbe est plus dure, ma peau plus râpeuse, le tabac et le café ont jauni mes dents. Je pourris. Parfois, mon haleine est déjà celle d’un vieux. Je sens remonter des émanations de nuits brûlées, des vestiges de whisky et de cigarettes. Sous mes yeux, des poches emplies de fatigue et de vin trop lourd, il fait gris. Cela ne se voit pas trop encore car je maquille. J’ai acheté une crème hydrante que j’étale comme on embaume un mort. Elle apporte un peu d’humus au fond de ces rigoles sèches, une nouvelle toiture sur ces poutres pourries. Le costume et la cravate m’affinent encore, me donnent un semblant de stature et de vigueur, mais je sens bien que je me décompose et que je finirai comme cette merde de Jean-Louis.
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Octobre 2016
AuthorThéophane Dumartray Categories |