Le porno vintage fait figure d’œuvre d’art chez Golden Age. Fondée par Ambroise Alliou et Alexandre Neimann, la boutique dédiée au mobilier des Trente Glorieuses accueille également des expositions. L’érotisme des années 1950 à 70 y était pendant quelques semaines à l’honneur.
Temps sec pour la soirée d’ouverture mais l’intérieur était humide. Raffinements pour jeunes filles super vicieuses Au milieu des godemichés en céramique et bois sculpté, une assemblée élégante déambule, verres de spritz à la main, devant des affiches aux titres prometteurs : « L’école du sexe » ; « Contes de Grimm pour grandes personnes » ; « Les salauds vont en enfer », » ; « Les chattes plus ouvertes et plus offertes » ; « Raffinements pour jeunes filles super vicieuses » ; « Tout mais pas ça… »… On y croise de jolies filles, Eléonore de la Grandière (cofondatrice des éditions Daphnis et Chloé), Mathilde Lalin-Leprevost (Pierre Bergé & Associés), Violaine d'Astorg (Osenat), quelques commissaires-priseurs et marchands d’art. Un vieil avocat, gêné devant « Les caresses interdites d’une salope », demande poliment à la serveuse où sont les commodités. Une jeune fille en veste de cuir et leggings noirs s’attarde devant une ceinture bondage en cuir pleine fleur. Au mur, les affiches de films « à caractère pornographique » rappellent qu’il fut un temps où l’on regardait des vulves en gros plan dans des cinémas généralistes. Il y a des bourrelets, des poils, des rides. En comparaison du porno contemporain, digital et aseptisé, celui des soixante-huitards apparaît profondément humain et réaliste, presque ludique. L’esthétisme léché des affiches surprend. « Les bobines super8 coûtaient l'équivalent d'un demi SMIC, fait remarquer Alexandre Neimann, on n'avait pas le même rapport à la diffusion d'images pornographiques ». D’ailleurs, elles sont à vendre et s’arrachent comme des petits pains. « Les affiches sont très graphiques, la typographie est magnifique et les textes très drôles. Visuellement, c’est très décoratif » explique Ambroise Alliou.
Phallus en marbre et couvertures de Lui.
Au dessus d’un phallus en marbre, examiné par une publicitaire de TBWA, le mur est entièrement recouvert de vielles couvertures de Lui, « le magazine de l'homme moderne ». Si les lampes-seins et les verges en pierre ne conviennent pas à tous les intérieurs, ces anciennes éditions sobrement encadrées forment un tableau pop art et sexy qui trouve rapidement preneur. Le magazine est à sa place : pendant érotique de cette modernité industrielle et insouciante, il reposait déjà, quarante ans auparavant, sur les accoudoirs orange et les table basse suédoises qui meublent la pièce. On entend les gratte-ciels pousser, Wall Street se porte bien, les guerres sont loin, la pilule arrive bientôt. Les mad men triomphent et les nichons se dévoilent aussi fièrement que le pognon. Les couvertures du magazine sont aussi le reflet de cette époque. Les couleurs sont flashy, les poses provocantes, les filles sportives. Les mannequins d’alors ne sont pas des brindilles torturées se nourrissant de quinoa bio, mais des fêtardes qui soignent leur gueule de bois en faisant du monoski. Un univers de fantasmes, un peu comme Eurodisney Le graphisme des affiches, les jeux de mots des titres, les sourires gourmands des actrices rappellent que les Trente Glorieuses n’étaient pas qu’un concept économique. La société de consommation promettait également du plaisir en masse et les culottes s’envolaient aussi rapidement que les actions en bourse. Parlant bourse, quand on titille l’organisateur en lui demandant si le porno n’est pas un spectacle machiste, inévitablement humiliant pour la femme, il réplique que «c'est d'abord un univers de fantasmes, un peu comme Eurodisney pour les enfants. Ce sont des gens consentants qui inventent un monde, créent des univers dans un décor qu'ils ont imaginé et au sein duquel les femmes tiennent le rôle principal ». En fin de soirée, on retrouve la fille en leggings noirs sirotant son huitième spritz. Ce qui ressemble à un intellectuel de droite l’interpelle : « une époque matérialiste, égoïste et destructrice peut-elle vraiment être un âge d’or ? ». Elle le regarde, abandonne un instant sa paille et ses glaçons et répond « oui, je crois ». Derrière elle, l’affiche a pour titre : « Le cri de la chair ». Golden Age 4 Passage Ruelle 75018 Paris Jeudi-Samedi // 11h – 19h Dimanche // 14h – 19h et sur rendez-vous http://www.goldenage.fr/ https://www.facebook.com/vintagegoldenage/?fref=ts
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